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4 novembre 2011 5 04 /11 /novembre /2011 08:30

 

                                               

 

Figure humaine

   Jean-Pierre Lemaire                                                              collection blanche Gallimard
 

Le poète publie peu mais régulièrement depuis Le cœur circoncis et l’Annonciade (1997). Reçu à Epinal au lycée Lapicque, ce professeur spécialiste de la traduction grecque et latine  continue de nous intéresser avec ses poèmes sous le signe de St Augustin, le précurseur de l’autobiographie. Ce recueil composé de huit sections est l’avant-dernier, publié en 2008 ; soit, un recueil tous les trois ou quatre ans.
 

« La poésie dépose
ses bateaux en papier
sur le courant obscur
. »
                              
                                           
 
«  Elle joue à l’écart
 Sans troubler l’attente
 Du verbe en nos vies
. »
 


(Avant que la jeune génération condamne les vieux et les entasse dans des camps d’extermination sur la lune… ) La poésie serait donnée en quelque sorte immédiatement,  précaire, une  preuve de dextérité comme au cours de la fabrication d’une cocotte en papier qui peut coexister avec la foi.
 
Le début du poème contient la dose d’imagination nécessaire avant le développement du motif : et si nous étions… des lions dans l’arène, si nous montions sur une échelle pour récupérer le corps du Christ, et si…  tu descendais du ciel au moment du jugement dernier, -  si sur le mur l’ombre marchait, et si tu marchais sur l’eau, et si le pas du piéton consolidait, redonnait un peu d’équilibre aux maisons au bord d’un canal à Venise. Et si le mendiant était  plutôt celui qui donne. La vie consiste à chercher des pissenlits sur une voie ferrée abandonnée ou à parler avec la Vierge noire. Paysages méditerranéens et parisiens. Au gré des saisons.
 
Le poète est partagé entre la poésie qui survole et la prose à fonction descriptive qui s’attache à surprendre la sensibilité des choses. Le prosateur peut raconter l’atmosphère pleine d’humanité de Lourdes au cours d’un pélérinage qui retrouve ainsi un peu de sa signification au contact des paralytiques et  fauteuils roulants.
 
Le poète invite parfois à poser sa plume et à regarder le mystère, le discours latent dans la maison aux fenêtres ouvertes, à l’instar de Baudelaire dans les Petits poèmes en prose. Ou à s’arrêter devant un tableau célèbre de Magritte, accroché dans un musée de notre pays que nous ignorons dans ce qu’il peut nous apporter de richesse – sans être pour autant passéiste, traditionaliste, seulement nostalgique de la fraîcheur de l’enfance.
 
Le recueil représente un florilège d’instants précieux accessibles à chacun de nous dans leur halo. Il est en quelque  sorte un guide touristique du rêveur potentiel entre les Pyrénées et les quartiers de Brest, qui ne profitent pas toujours d’une météo favorable. Une version actualisée de certaines pages de Claudel – le poète préféré de Jean-Pierre Lemaire, visionnaire serein, par intermittences, dans la dernière section « figure humaine » : l’immigré, la ménagère, etc.
« La fin du monde a déjà commencé
pour les pensionnaires entourés de roses
. »
Les fleurs bien vivantes servent de feuilles intercalaires entre les différentes pages, témoignant ainsi que la poésie est, avant tout générosité.
 
 
« Dans l’appartement où ne vient plus de femme,
sa main fiévreuse cherche
une main plus fraiche
à effleurer sur le bois de la table.
Ce soir, en tâtonnant,
Il croit sentir une rivière
couler autour des nœuds du bois :
La Sorgue verte et brillante en avril
… »

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