Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 14:43
Les rendez-vous de l’Autre Rive
- LECTURE- RENCONTRE David DUMORTIER
Jeudi 14 juin 2012 à 18H
Des oranges pour ma mère illustré par Estelle AGUELLON Cheyne éditeur (poèmes pour grandir)
"Un texte poignant et lumineux, récit poétique d'une sortie de prison; celle d'une mère, vue par les yeux de son enfant, durant le trajet qui les ramène, ensemble, à la maison. David Dumortier, poète à la grande culture arabisante, met en mots l’enfance et la marginalité dans Mehdi met du rouge à lèvres, La Clarisse, le monde paysan dans Une femme de ferme, tous trois publiés également à Cheyne.
Son récit Travesti récemment édité au Dilettante aborde tout cela à la fois, et bien plus encore avec une grande force. « L’écriture a alimenté mon travestisme et mon travestisme mon écriture. Ils se sont épousés. Le poète est quelqu’un d’autre.
Cet autre une fois fardé, grimé, masqué, chamarré, pavoisé, peut enfin parler une autre langue qui ne goûte que l’extrait pur, la quintessence, le vingt-quatre carats de la terre, le suc des coquelicots de nuit, l’étoile qui s’allume trois secondes dans les yeux d’un homme en pleine chute, la rosée sur un pétale miraculeux… »
Un récit brut et autobiographique, sans fard, sans travestissement,
Jean-Pascal Dubost, Poezibao
Librairie l’Autre Rive 19 rue Pont-Mouja, Nancy tel. 03 83 30 63 29 autre.rive.nancy@wanadoo.fr http//www.librairielautrerive.hautetfort.com/
Partager cet article
Repost0
6 décembre 2011 2 06 /12 /décembre /2011 18:15

 

L’homme unidimensionnel
   Herbert Marcuse coll. Points 1968
 
 


  L’essai a influencé ceux de mai 68 qu’on a appelés « les enfants de Marx et du coca cola ». Il s’en prend à l’Amérique capitaliste dite « néo-colonialiste » * autant qu’au régime  communiste des pays de l’est (Prague et les chars évoqués dans le roman de Milan Kundera L’insoutenable légèreté de l’être). Après la domination de la méduse métaphysique, il aspire à nous libérer du joug de l’Etat, des médias et des crabes de la consommation.
                                                                                      * sens détourné de ce qu’il désigne habituellement.



Préface
: « J’ai analysé dans ce livre quelques tendances du capitalisme américain qui conduisent à une « société close » - close parce qu’elle… intègre toutes les dimensions de l’existence, privée et publique. »
 
1.    La société unidimensionnelle

2.    La pensée unidimensionnelle

3.    Perspectives d’un changement historique



 
 
1. La société unidimensionnelle
 
  L’homme se trouve sur une toile d’araignée et  connaît la privation de toutes ses libertés dans la société actuelle dite « de progrès » :
 

  «  La société industrielle qui s’approprie la technologie et la science s’est organisée pour dominer toujours plus efficacement l’homme et la nature, pour utiliser ses ressources toujours plus efficacement. »
 

Les superlatifs insistants de Marcuse sont plus recevables qu’une dramatisation de la condition sociale à laquelle l’homme est asservi. Où il est constamment mobilisé, tenu en éveil, non sans des tensions personnelles.


   La société poursuit sa frénésie de productivité  dans l’ère de la consommation comme auparavant dans l’état de guerre.
 
Dans « l’enfermement de l’univers politique », il faut déplorer que le programme de l’opposition  (et des syndicats) ressemble à celui du parti au pouvoir ; tous sont mus par des intérêts communs. La pensée radicale du philosophe Marcuse s’exprime ici, en renvoyant dos à dos les idéologies et actions politiques :
 
« … La société capitaliste a une cohésion interne que les stades de la civilisation n’ont pas connue. »
 
 
(Chapitre 4) L’univers clos du discours.
   
   La  puissance des médias et leur sacralisation laminent la réflexion individuelle, avec la complicité dépourvue de scrupules  « des agents de publicité /qui/ façonnent l’univers de communication dans lequel s’exprime le comportement unidimensionnel. »
 

  Marcuse décrit le processus d’appauvrissement  et d’oxydation de la langue, réduite à des constructions dignes de la gestuelle - mimique et  cris -  des primates : «  C’est le mot qui ordonne, qui organise ; il incite les gens à faire, à acheter, à accepter » . L’époque paraît mettre à exécution la « novlangue » imaginée avec prémonition par Orwell dans son roman 1984.


 
 

 «  Dans cet univers du discours public, la parole est un déplacement de synonymes et de tautologies ; elle ne recherche jamais en fait la différence qualitative. »
 
 


 
… En quelque sorte, la parole est tenue en laisse, massivement réprimée dans un univers de conditionnement et d’inflation de la langue de bois, avec ses sigles, abréviations permutables, ses plaques sémantiques d’eczéma,  ses épithètes homériques –  « Werner von Braun le créateur-de-missiles- aux larges épaules »  (immigré allemand comme Marcuse) -, ses  diktats dénoncés par Roland Barthes (Le degré zéro de l’écriture, éditions du Seuil)  : l’écrivain consciemment ou hypocritement  se trouve en devoir de résistance.
   

   On peut s’étonner des citations récurrentes de l’essayiste français, et se demander dans quelle langue Marcuse a pu découvrir Le degré zéro de l’écriture, avant de le convoquer ainsi en témoin du démantèlement linguistique généralisé sur la planète.

 

En examinant les plaintes que les travailleurs formulaient au sujet de leur salaire et de leurs conditions de travail, les chercheurs insistèrent sur le fait que la plupart du temps l’énoncé de ses plaintes se faisaient en termes vagues, indéfinis… Les chercheur, en se réglant sur le principe de la pensée opérationnelle, interprétèrent et reformulèrent ces propositions/… / La proposition « les toilettes sont insalubres «  était reformulée ainsi : « à telle et telle occasion je suis allé aux toilettes et j’ai trouvé la cuvette sale ».  Des enquêtes montraient alors que cette situation était due « principalement à la négligence de quelques employés. » (Page 146).

 
    
Humour swiftien de cet exemple et démonstration de la logique administrative sur lesquels Marcuse ne manque pas de s’étendre.
 

2. La pensée négative : la logique de la contradiction est mise en échec
 
    
La seconde partie, la plus ardue, s’organise autour de cette phrase, vertigineuse et révélatrice de la hauteur d’esprit de Marcuse, qui choisit des formules d’imprécateur et d’iconoclaste, à la manière de Hannah Arendt dans La crise de la culture (1961) :
 
« La rationalité technologique de l’univers totalitaire est la forme la plus récente qu’a pu prendre l’idée de Raison. »
La rationalité grecque distinguait le vrai du faux, concourait à la connaissance du réel dans un univers à deux dimensions, aspirait à une universalité de la raison dialectique, « Le fait que l’homme est progressivement enchaîné à un appareil productif, révèle les limites de cette rationalité et sa farce sinistre… ‘

 
 
3.
Perspectives d’un changement historique

     Il existe seulement deux  projets  historiques qui se trouvent en conflit « et l’issue des événements semble dépendre de deux séries de facteurs antagoniques :
1.    la plus grande force de destruction ;

2.     la plus grande productivité sans destruction. En d’autres mots la plus grande vérité historique appartiendrait au système qui offre le plus de chances pour une pacification. »


 

Dans un monde où règne ce que Marcuse qualifie de « folie économique », chacun subit, tolère l’irrationnel de la Raison résumé par trois anecdotes  à propos du déphasement vécu quotidiennement : - l’appétit de changement de l’automobiliste passant  d’une voiture  à une autre et obsédé par les marques pour son bien-être  – le plaisir de la campagne devient une recherche de la « réserve naturelle » contre les enseignes publicitaires et le citoyen cautionne ainsi un gouvernement déterminé à financer l’extension des parcs naturels.





 « La pensée critique doit s’efforcer de définir le caractère irrationnel de la rationalité établie… la technologie est devenue l’instrument d’une politique destructive. «



 

  


Peut-être le fondateur d’Apple a –t-il été inspiré par Marcuse (et Thomas Pynchon, l’auteur de Vente à la criée du lot 49)  en proposant des produits alliant fonctionnalité, design et écologie.  La technologie au service de l’industrie poursuit « quelque chose de cette corrélation mythologique entre le réel et le possible (qui) a survécu dans la pensée scientifique… » Marcuse, Steve Jobs et Pynchon visent accessoirement une réalité et une existence devenue libre, « avec des besoins vitaux satisfaits » :










« On peut calculer quels doivent être les besoins que l’on doit dispenser aux malades, aux infirmes et aux  gens âgés – c’est-à-dire qu’on peut calculer comment réduire l’angoisse, comment libérer de la peur. Des obstacles politiques s’opposent à une telle matérialisation… »



  Les dernières pages de L’homme unidimensionnel, les plus passionnantes de l’ouvrage, relèvent autant du document sur une nouvelle idéologie anticapitaliste se constituant dans les années 1970 que de la pure utopie, le contraire de la dystopie illustrée par Georges Orwell et son roman célèbre 1984 - au détriment de Hommage à la Catalogne, témoignage direct sur la guerre d’Espagne raconté aux côtés des républicains et anarchistes  à Barcelone - .




   «
La « pacification de l’existence » ne peut pas provenir d’une accumulation du pouvoir, mais du contraire. La paix et le pouvoir, Eros et le pouvoir, ce sont peut-être des termes contraires… La pacification suppose, qu’on a vaincu la résistance de la nature… il y a deux façons de vaincre la résistance de la nature : l’une est répressive, l’autre est libératrice… »
 

  La nature peut être transcendée par le contrôle des naissances, le discrédit du racisme encore présent dans certaines régions reculées du monde… La Raison dans une autre acception que celle du XVIIIe siècle peut transférer la notion de progrès, réparer les insuffisances et la cécité des encyclopédistes, renouer avec la conception grecque assimilant art et technique. Marcuse condamne le dicton préféré de Samuel Beckett (« N’attendez pas d’être chassés pour vous cacher… »)  se réfère à Marx et à Hegel à propos de l’homme disposant de cette chimère brandie en toute circonstance du « temps libre ». Son idée force est que la « culture » révèle ses origines et qu’elle est le privilège d’une aristocratie – précisons une aristocratie « bourgeoise » - et, bien entendu, réactionnaire, sclérosée, pantouflarde.
 
 



« Prenons un exemple (malheureusement fantastique) : si simplement il n’y avait plus subitement de publicité et d’endoctrinement dans l’information et dans les loisirs, l’individu serait plongé premièrement dans un vide traumatisant, puis il y trouverait la possibilité de se poser des questions et de penser. Bien entendu, une telle situation serait insupportable et cauchemardesque. »


 
« Si la télévision et les moyens de communication similaires cessaient de fonctionner, alors pourrait commencer à se réaliser ce que les contradiction inhérentes du capitalisme ne sont pas encore parvenues à accomplir : la désintégration du système »
 
 
  Herbert Marcuse montre son goût littéraire – et se lâche complètement - dans la conclusion, où sont tour à tour mentionnés Samuel Beckett, Lewis Carol, Maurice Blanchot,  Walter Benjamin, les écrivains et les artistes de la liberté d’expression, parfois sournoisement menacés par une psychanalyse  hégémonique qui fait  actuellement le miel de Michel Onfray.
  

Le « dictionnaire des sciences humaines » (PUF éditions 2006) réhabilite Herbert Marcuse (1898- 1979) associé à tort, alors qu’il est philosophe, aux hippies, pacifistes américains de Woodstock et protestataires contre la guerre du Vietnam (genre Bob Dylan !). :
 
  « Marcuse rassemble en une synthèse inédite  les impulsions du mouvement ouvrier et les contestations de la modernité plutôt axées sur le nivellement de la culture, la perte du sens et l’aliénation marchande.  Le centre de gravité de l’ouvrage - écrit Stéphane Haber - consiste dans une dénonciation vive de la société de consommation contemporaine et se termine par un appel à la révolte qui concerne d’abord les minorités exclues, réprimées ou exploitées par la société d’abondance après la guerre, organisée selon les principes d’une rationalité étouffante. »
  

   
   Marcuse entretient un propos dérangeant à propos d’Auschwitz moins inscrit dans la mémoire que dans la « gadgétisation » de la société qui amène à suspecter la science et la technologie contemporaine :
« La société a restreint, elle a même anéanti l’espace romantique de l’imagination…Libérer l’imagination afin que lui soient dpnnés ses pleins moyens d’expression  présuppose de réprimer une grande part de ce qui est présentement libre dans la société répressive… »
  
 
    Il reste à traduire, désormais,  le discours de Marcuse en mots d’ordre.
 


 
Christian Samson

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2011 2 06 /12 /décembre /2011 18:12

 

« Violemment surréaliste et ancré dans la langue québécoise… Son style était bref mais choquant. Il toucha un large public et influença les poètes québécois ou francophones de la seconde moitié du 20ème siècle. »
                                      Journal en ligne, à propos de Paul-Marie Lapointe


Espèces fragiles
Paul-Marie Lapointe, éditions l’Hexagone Québec 2002
 
Le poète s’est éteint récemment, le 16 août 2011. Un ouvrage de  la collection « Poète d’aujourd’hui »  chez Seghers lui a été consacré.
 
La thématique de « l’île-paradis » sert de châsse aux poèmes dont le dernier se termine par une apostrophe à la tortue, à toutes les tortues du monde :  «
sans doute n’atteindras-tu / jamais / la fin des temps… le sais-tu? »
 
Représentant des poètes de la « révolution tranquille » au Québec, Paul-Marie Lapointe a eu de hautes responsabilités à radio Canada, persévérant dès 21 ans dans un anticapitalisme raisonné, complice de Gaston Miron  dont il a la stature, et de Nicole Brossard (féministe dès « Installations » 1989). On connait l’attirance de Malcolm Lowry, de Lawrence et des Québécois pour le Mexique, terre des séismes et des volcans :

«  nuit cathodique/ … nuit sous contrôle / nuit armée /… nuit régnante sur terre / planète d’ignorance / et de sang versé / planète perdue
»
 
L’humanisme contemporain de Paul-Marie Lapointe - on a rendu compte de
Pour les ämes dans ce blog, au début de l’année – correspond à un rejet de cette espèce de « totalitarisme » Etatsunien dont pâtissent les Latinos, les Blacks, les minorités sexuelles, un fonds protestant et apalachien rétrograde. De toute évidence, comme Pierre Bellemare, Lapointe préférait le Mexique, l’Amérique du sud, admirait modérément le Che, Cuba et pas du tout Régis Debray, l’ex otage de Bolivie, le « médiologue » à la mode.
 
Le petit bourgeois philosophe se rendait chaque lundi – vers 1965 -  au lycée Poincaré de Nancy (son 1er poste de normalien ) après avoir traîné sur l’ancienne place Thiers, celle du cinéma où les lycéens sortis par « l’aquarium » regardaient jalousement les filles aux jambes croisées à la terrasse du café – le restaurant était à l’étage -. Régis Debray, l’anti-poéte, enseignait le
Discours de la méthode qu’il obligeait à apprendre par cœur.
 
Paul-Marie Lapointe, le poète « planant », a écrit : «  
à 8 heures, ce matin,/ secousse sismique / un seul coup de massue / comme pour enfoncer la ville / dans la terre / ville fragile / immobile / comme on retient son souffle… »
 
Toutes les pièces du recueil se caractérisent par leur concision, leur ton ferme, leur expérience de « l’être humain ». L’ensemble donne un condensé des positions d’un poète exemplaire, qui ne se compromit pas avec les pseudo révolutionnaires boliviens, enfermés – pour la photo – dans la prison de Camiri (1967-1971).
 
L’inspiration du poète Québécois est limpide, héroïque, Il sublime l’épopée et le sous-développement.
 
«
Des fourmis.
Quelques centaines de fourmis, minuscules, explorent le territoire de marbre de la terrasse ; un mètre carré environ. Que chacune parcourt en tout sens, avançant à vive allure, stoppant, reculant, virant à gauche à droite…
. »
 
Christian Samson
 

 

Partager cet article
Repost0
24 novembre 2011 4 24 /11 /novembre /2011 12:12

   A propos de Louise Michel
 
L’anniversaire de la mort de Frantz Fanon  (1961) est aussi l’occasion de découvrir aux éditions D’Ores et déjà un discours de Louise Michel, qui rencontra Victor Hugo en 1821, avant d’être déportée en Nouvelle-Calédonie à quarante-trois ans. On note la sortie sur les écrans – dans les salles de l’Union des Grands Capitalistes UGC -  du film L’ordre et la morale de Mathieu Kassowitz, à propos des révoltés, preneurs d’otages de la grotte d’Ouvéa qui se débrouillèrent seuls (14 morts après quatre assassinats de gendarmes) sans la participation de Jean-Marie Djibaou au cours de cette crise / un « assaut programmé avec la connivence de son médiateur » /  – le leaqder du FLK est seulement nommé dans le générique de fin -.
 
Prise de possession
   Louise Michel, éditions d’Ores et Déjà.
 
   Louise Michel avait un talent d’orateur et de poète, propre à convaincre - et à soulever littéralement de terre -, tous les gueux : misérables, prolétaires,  paysans, ceux que Michelet appelait le  peuple déshérité du monde. Ceux qu’elle mobilise et rejoint en tant que porte parole par un " nous" unanimiste  :
 
   «  Nous savons notre but : c’est la délivrance de tous, nous le voulons et nous l’oserons… » .
 
   Ce n’est pas un hasard si les  qualificatifs christiques fleurissent pour parler de « la Vierge rouge » Louise Michel qui est, au siècle de la révolution industrielle – si peu romantique -,  une des seules femmes à porter avec George Sand le costume masculin.
 
   Elle représente les convictions politiques modernes, les idéaux des utopistes socialistes de la Commune de 1870, Avec son chant, les exclus, les dépossédés se révoltent - doivent encore  aujourd’hui se révolter – dépaver les rues, dresser des barricades – pourquoi pas dans la rue St Jean ou au Point Central ? -.
 


 «  Le pouvoir est mort, s’étant, comme les scorpions, tué lui-même ; le capital est une fiction, puisque sans le travail il ne peut exister. »
 
 
 
   Louise Michel se moquait des lois bourgeoises qu’elle eut à subir, elle fut plusieurs fois arrêtée avant sa relégation en Kanaky où elle resta seule à soutenir une insurrection indigène – son chef Ataï -, puis à nouveau surveillée par la police de l’empire et de la république pendant les trente dernières années de sa vie : 
 
   « Peut-on encore parler du suffrage universel sans rire ? Tous sont obligés de reconnaître que c’est une mauvaise arme ; que, du reste, le pouvoir en tient le manche… »
 
    La conférence – très écrite – qu’elle donne en mars 1882 à Paris constitue un document inédit qui révèle Louise Michel, institutrice des enfants de déportés en Mélanésie. Anarchiste dans la moelle, et bourrée de talent, elle annonce les temps prochains, la « catastrophe » / terme dramaturgique / de la condition humaine –  pas une ruée vers Laure -  où les biens cesseront  d’appartenir à ceux qui  en profitent à l’abri d’un gouvernement, et où les patrons aussi se libéreront – d’eux-mêmes -.. Ces crasses !  Elle entend réconcilier l’humanité dans un monde précaire, en premier lieu, les hommes avec leur liberté et leurs droits.
 
   Le procès social doit se régler avant notre disparition dans le cosmos ; il faut faire un mauvais sort à l’argent, il faut, comme le dirait  aujourd’hui le curé Meslier pendre « les nobles – les nouveaux aristocrates – avec les tripes du clergé, des évêques et du pape ».
 
   Louise Michel vaut la peine d’être découverte, car elle "détruit" la notion du travail aliénant.  Elle se méfie des hommes politiques de droite comme de gauche, ne croyant pas que l’arrivée de socialistes ( !) au pouvoir – à la présidentielle – résoudra miraculeusement  les problèmes économiques du pays, de la nation gauloise,  de l’Europe, des Etats corrompus en Afrique, au Pakistan, en Cisjordanie…. Elle donne comme exemple des leaders représentatifs qui ont répondu à la misère des peuples, Abraham Lincoln, Vercingétorix,  ou d’autres moins célèbres – Sophie Grant condamnée à la prison, , le pirate Doï-van  condamné à mort au Tonkin -  , mais seulement parce qu’il faut donner des exemples historiques pour cautionner son discours…… En comparaison, le manifeste Syris 10/18 contre le travail et l’Europe économique paraît un pastiche des appels au meurtre prolétariens.



   «Le communisme commence à se dessiner, personne ne possède en propre le soleil qui l’éclaire, l’océan qu’il parcourt… »
 
 
   Embrassant l’univers dans un panorama de l’Histoire et des civilisations qui ont incubé toutes les révolutions, Louise Michel cite fréquemment le poète américain Whitman, se montre géniale dans son sens de la formule (« Notre république a des rois par milliers…   Ce qui pourrait s’appeler « respublica » ce serait la chose de tous, l’humanité libre sur le monde libre »)

 
   Féministe cultivée, elle en aurait appris, elle en aurait à enseigner aujourd’hui encore, à tous les incultes de la Toile qui rédigent leur blog abondamment illustré, paresseusement illustré.
 
   Elle aurait encore à couvrir des salons d’excréments, les miroirs à dorures, elle pourrait ripoliner d’excréments la façade des ministères nationaux sans susciter la moindre indignation de la part de l’intelligentsia parisienne, qui se complaît dans son autosuffisance, qui se gargarise de mots, qui sniffe des rails de coke sur un guéridon. Tant elle est veule. Les vedettes BHL et autres sont outrecuidants et bien capables de plier les œuvres complètes de Louise Michel pour en faire des cocottes en papier. Sans oublier les "spécialistes" du CNRS,  de Sade et autres Unités d’enseignement – ou de valeurs -  qui se gargarisent avec bonne conscience, et se regardent devant la glace…  sans rire.
 

   Louise Michel accumulait les savoirs au service de l’action : thésaurus vivant, curieuse des plantes endémiques en Mélanésie, des mœurs  - et des enfants  surtout  - qu’elle éduquait le dimanche. En matière d’instruction, personne ne pouvait lui donner de conseils. Elle se « gérait », autodidacte, indépendante.
.
 

  
   Il faut trois rédacteurs Robert Kurz, Ernst Lohoff et Norbert Trenkle pour poursuivre, quatrième de couverture  « l’économie d’une critique radicale de l’idéologie du travail …- que de compléments de noms ! -  Autrement dit, il ne s’agit pas de libérer le travail, mais de se libérer du travail. »
 
   
  
    La conférence de Louise Michel prononcée en 1883 est un modèle de rhétorique révolutionnaire, un bâton de dynamite – et non un bâton d’encens qui se consume pour remplacer un désodorisant, repérable par un détecteur de fumée – ou un ersatz – qu’on trouverait dans une supérette. Les images métrées qu’elle ajuste parlent – dans notre « chambre intérieure » -, elles sont de portée universelle. C’est un matelas miné, un parquet dissimulant des mines anti personnelles. Les lycéens devraient découvrir à leur tour ce texte, reconnaître les décasyllabes, la mitaine de la versificatrice, le col roulé de Victor Hugo.
 
   Malheureusement peu d’enseignants connaissent Louise Michel, ils préfèrent lire le groupe Krisis ! Leurs sous-vêtements sont des Damard.
 

« Ses vêtements ôtés laissent à découvert les blessures qu’il a reçues dans la lutte contre les occupants de son pays, il lui faut subir le frottement sur son cou de la main du bourreau et les trois coups de gong qui prolongent son agonie »…
 
    
       
écrit Louise Michel à propos de Doï-Van, leader révolutionnaire au Tonkin. La veine de Louis Michel complètement inspirée est épique, elle n’a rien de ce qu’on aurait pu craindre, tous les défauts de la fée Carabosse, le sentimentalisme, le scoutisme,  le manuel de survie du libertaire dans la société de consommation.
 
    Louise Michel, c’est quand même autre chose que, moins stylés, moins polis, le manifeste Krisis et ce genre de phrase : 
 
 

    «Ne courbons plus l’échine sous le joug des marchés de l’emploi et de la gestion démocratique de la crise ! La condition en est que de nouvelles formes d’organisations sociales (associations libres, conseils) contrôlent les conditions de la reproduction à l’échelle de toute la société. »

 
    A ceux qui sont tentés par l’adultère avec les socialistes et qui lisent les romans de Douglas Kennedy, je ne résiste pas à l’envie de recopier les dernières phrases de Louise Michel. La préface de Prise de possession ne précise pas quelles furent les réactions de l’auditoire de Louise Michel en 1883.
 
   Signa-t-elle des autographes ? Parmi son public, y avait-il quelqu’un pour l’enregistrer sur un Nagra de l’époque ? La Nouvelle-Calédonie en 2014 devra choisir son destin…
 
   « Personne au monde ne peut rien pour dénouer la situations présente.
   Les urnes ont assez vomi de misères et de hontes.
   Au vent les urnes, place à la Sociale !
   Le monde à l’humanité !
   
    Le progrès sans fin et sans bornes !
   L’égalité, l’harmonie universelle pour les hommes comme pour tout ce qui existe !
»
 
  Esprit libre, Louise Michel avait donc fait ainsi l’apprentissage de la liberté.
 
 
Christian Samson

Partager cet article
Repost0
11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 18:23
 Les dits du fleuve
Tahar Bekri

illustrations de Joël Leick, éditions Al Manar
 
 
    Dans le lit des fleuves soufflent les vents. Et les poèmes disent notre besoin de revoir la mer. Un « dit » est  un p
oème au Moyen-Âge. La définition paraît insuffisante à propos du recueil de Tahar Bekri, composé au gré des voyages et conférences à Québec, Guadalajara, à Boston et Sarajevo. Le poète part à la rencontre des grands fleuves départagés par les montagne ; il les entend et les laisse parler par sa voix :

« Que je m’appelle Tigre
Ou Euphrate
Qu’importe

Qui dira aux peupliers la déroute des palmeraies
Désertées par les colombes
»
 
   Le fleuve est nomade, richesse, il irrigue les continents, témoin des pillages, du martyre des femmes exploitées, victimes des razzias.
 
«
Cette eau douce que je t’apporte
Pour apaiser ton sel
 
Ne me dis pas qu’elle porte
Tant de naufragés
 
Comme bêtes empaillées
Par la ruse des passeurs
 
Fugitifs de l’illusion
Jetés à  la confusion des certitudes
«
 
   Une fois que le le lecteur a compris la disposition stratégique du poète et ses thèmes, il peut librement se promener d’un poème à l’autre, se laisser surprendre, emporter par le lyrisme de l’inspiration épique et revendicatrice. Adopter le nomadisme dont ils rendent compte, entrer dans une commune fascination pour les éléments liquides, découvrir toujours en aval les arbres et leur verticalité qui sert de repère (olivier, eucalyptus). Un homme se veut toujours en transit quelque part.
 
   La rêverie est une sève offerte. Parmi tous les lieux et sites historiques arrosés (l’Egypte des pyramides),  le fleuve participe au culte solaire et  à la douceur des bords de la Méditerranée, du golfe de Gabès en particulier, le pays natal,
 
   Comme le bateau ivre de Rimbaud, le fleuve raconte son aventure. Le contexte n’est plus vraiment imaginaire, c’est l’humanité  - la société des pêcheurs et des agriculteurs - qui parle à travers le courant.
  
   Le poète construit un humanisme contemporain, d’œuvre en œuvre, après une inspiration tournée vers la culture uniquement arabe, laïque et militante (
Les Chapelets  d’attache, 1993).
 
 
Le recueil se glisse dans une poche, dans un filet destiné au passager d’avion.
Trois gravures de Joël Leick accompagnent et renforcent la rêverie abstraite du voyageur.
 
Christian Samson.

Partager cet article
Repost0
6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 23:28

Edité chez Gallimard, ce premier roman (?) de Lilyane beauquel mérite quelques mots dans notre rubrique "notes de lecture'".

Avant de rédiger l'article que cet ouvrage mérite , voici l'excellente critique trouvée sur sur le mensuel "L'estrade" - gratuit mais étonnant par la qualité et la variété des articles- et signée d'Aline Hombourger, illustré par la photo de Daniel Denise.

 

( que nous remercions -photo recadrée)

 

BEAUQUEL-DEF--.jpg

 

cliquez sur les images pour les agrandir

 

ARTICLE-BEAUQUEL.jpg

je me permetrtrai une simple remarque d'enseignant d'histoire à propos du chapeau de l'article.

Où on lit : "quatre jeunes soldats allemands partis défendre leur pays en 1915."

L'article, très littéraire, a été écrtit par une personne instruite : on peut mesurer par là la  force d'une propagande qui a conduit les Français à la réconciliation  - tout à fait honorable- avec le peuple allemand.

Car les jeunes allemands, depuis 1870 n'ont jamais été "utilsés" par leurs dirigeants pour "défendre leur pays" , mais bien pour envahir le nôtre en 1870, puis en 1914, enfin en 1940.

Que la confusoion règne à ce point dans les esprits éclairés montre bien  l'efficacité de la communication politique.

Il a fallu d'ailleurs forger le terme NAZI - qui désigne les "mauvais allemands des années 30 et 40- pour blanchir le peuple allemand des crimes de la seconde guerre mondiale : la réconciliation s'est faite grâce à ce tour de passe-passe sémantique..

Triomphe du discours et du vocabulaire !

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 23:56

 

Shemin maniok shemin galé
 Carpanin Marimoutou, éditions K’A 2009

Recueil en créole et en français,
Shemin maniok shemin galé brasse tous les registres, de l’anecdote transcrite au hasard d’une homophonie relevée – compter et conter, « survivre en comptant » -, au poème court, au poème en prose. Carpanin Marimoutou figure en tête de  liste de la poésie réunionnaise contemporaine. –Les chemins empruntés signifient qu’un pays remue et vit, même tombé dans l’oubli de ceux qui naviguèrent sur les mers, échoués sur son rivage. L’île se maintient en dépit de et grâce à « l’apport océan ». : l’esclavage et les tueries du commerce maritime. Les traces laissées par les hommes sont conservées port leur permettre de se rencontrer– ce sont des chemins de mémoire pour nourrir le présent en repoussant les pleurs et les regrets de ce qui est advenu contre quoi aucune protestation n’est possible. De même que dans son parcours personnel, aucun individu ne peut rebrousser chemin, revenir aux blessures de son enfance. Les ancêtres demeurent présents, le patrimoine vivant, en ce qu’ils enseignent à maîtriser la peine par le chant et le danse « comme devaient sans doute le faire les ancêtres des tribus malgaches, africaine,s indiennes, et de tous les mondes du monde de ton monde ».


La dénégation de l’isolement insulaire se transforme en potentiel d’énergie et en soubresauts de fierté à l’évocation du site familial, avec son modelé volcanique – montagne – piton - cirque –son ancienneté géo-morphologique datant de l’époque où la terre s’engendrait dans une maïeutique qui reste à découvrir. Certes les commérages locaux – la transmission orale des faire-part nécrologiques -  finissent par agacer et donner la claustrophobie, mais raconter quelque chose avec art, s’épancher dans des histoires n’est-ce pas une façon de survivre dont la portée est universelle ? : les voisins négocient  leurs succédanés des contes des Mille et une nuits, et sont des « Schéhérazades » à leur façon, animés par des motifs moins nobles de voisinage, plus mesquins, par plaisir d’échanger des histoires sans se préoccuper d’appauvrir en fait ce qu’a de légitime le besoin de narrer et de faire entendre leurs voix.
-« Faire des histoires » devrait rester cependant l’apanage de l’écrivain et du poète, comme aurait déclaré «
un grand poète (toujours de l’autre côté de la mer, mais le vrai autre côté cette fois… » ? On voit comment, par quel mimétisme, l’écrivain contrefait avec habileté les rouages de l’esprit provincial de son département – pays -  avec lequel il vit en osmose,  une véritable passoire de « latifadés - en s’en accommodant et en le rendant productif de sens et d’humeurs – de plus amples rumeurs - vagabondes. En effet, le pays finit, excepté « les ponts – ils sont nombreux ici –», par ne plus se ressembler à cause des structures en béton et des grands projets immobiliers plaçant la Réunion au premier rang des destinations de voyage très prisées des continentaux : « nous descendons de l’écume jusqu’aux galets de l’embouchure qui nous écorchent les genoux ». L’ile monte au cours des enchères d’une partie de cartes jouée par les traders de la finance mondiale qui liquident la planète au bluff, au détriment du bien vivre et des nostalgies pacifiées – sous sédatif 3 D - de l’enfance.  L’île devrait plutôt subsister en tant que mode de rencontre avec ses traditions endémiques et ses séquelles de l’Océan Indien au lieu de tenir lieu de camping abrutissant  - tout terrain – et de veillées devant des écrans d’ordinateur où la dépouiller, par la magie d’une touche qu’on enfonce, de sa joie factice proposée sous fourme de dépliants touristiques («  surf, voile, parapente, rallyes… et l’exquise politesse des grands domaines »). Elle appartient  surtout à ces écumeurs de bar pérorant, en tenue négligée, accoudés au comptoir, éclaireurs d’aventures fabuleuses, grandiloquents aussi longtemps qu’ils sont soûls. Auprès d’eux,  Carpanin Marimoutou  renaît aux veillées arrosées de son enfance - à l‘apprentissage des « pas sautillants  des guerriers et des dieux sur le sol battu ». Les excursions d’autrefois le conduisaient en bonne compagnie, dès l’aube, au bord de la rivière à traverser avant de revenir et descendre d’étroits escaliers  : pèlerinage accompli sur la falaise qui était « une espèce de repos » avant qu’elle ne disparaisse sous les éboulis « Les pierrées et l’eau ont rebondi sur le soleil qui s’en est noirci./ Depuis j’efface les taches avec les chiffons que me prête la vie « . L’auteur n’en dit pas plus,. La sentimentalité est retenue comme elle l’est tout au long du recueil, en particulier dans un des deux poèmes publiés dans Carnavalesques 4 Océan Indien, « Vous disiez qu’il ne fallait pas nommer ce pays ».

 

 

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 23:53

 

La poésie marocaine contemporaine





Une anthologie de poésie dispense les mêmes plaisirs qu’une assiettée de petits fours. Elle s’adresse aux gourmands, flatte la préférence de leurs papilles ou leur curiosité pour une friandise extraordinaire immédiatement attirante au premier regard. Libre à chacun de choisir  ce qui lui est présenté – sur un plateau - selon ses préférences, ou la tartelette aux fruits rouges, la tuile truffée d’amandes, ou la meringue aux courbes craquantes ou (« péché de gourmandise ! ») l’une des variétés de ganache noire et de chocolat blanc garnis sur leur chef d’un oeuf  superbe assorti d’une collerette.

De même, il faut toujours satisfaire l’appétit du lecteur de poésie par la proximité d’auteurs jeunes ou méconnus et de poètes confirmés servant de faire valoir. De toute manière, un jour ou l’autre, les jeunes succéderont aux anciens, assureront la relève et ne desserviront pas une audience relativement faible –  une ignorance massive !- de la poésie contemporaine. La Maison de la poésie Rhône-Alpes avait proposé en 2006 une anthologie de la poésie marocaine dans le n° 38 de Bacchanales sous la direction d’El Amraoui. La collection de poche poésie/ Gallimard vient apporter, pour décembre 2010, son poids de surprises sous le titre  Les poètes de la méditerranée, anthologie à l’initiative d’Eglal Errera.  Dans la première, 54 poètes sont présents, dans la seconde 5 seulement retenus  et 2 sont convoqués à parité  égale dans les deux anthologies (c’est maigre comme assiettée de petits fours).  

Lisons donc Mohammed Bennis et Hassan Nejmi qui bénéficient d’une unanimité éditoriale plus grande de la part des anthologistes.

          
            
Mohammed Bennis, directeur de revue, éditeur et essayiste. Œuvre :    
            
Anti-journal, Le Don du vide, Fleuve entre deux funérailles (2003), Le       
           livre de l’amour
(2008)
Une œuvre ancienne de Mohammed Bennis
Le don du vide profitait d’une préface et d’une traduction de Bernard Noël. Il s’agit d’une œuvre majeure de la poésie marocaine (éd. L’Escampette 1999).

Depuis, l’auteur maintenant sexagénaire - ou presque – a poursuivi son bonhomme de chemin. Son inspiration adoptant souvent le procédé – le levier - de l’interpellation au lecteur reste attachée à l’instant de béatitude, à l’événement engendrant la parole : le fleuve fixé, presque représenté graphiquement sur la page, avec sa rive et son embouchure – comme une épaisseur grossissante du verre, une loupe, un pain de miel.. L’eau, au bord du courant, plus riche en associations, qu’il s’agit d’entendre est salive féconde et draine des histoires édifiantes pour peu qu’on lui prête une certaine attention. Chaque poème  de Mohammed Bennis se donne pour réécriture de la genèse, se nourrit de définitions paradoxales (« Cela ne fait rien  / la source est l’avenir de l’eau / et l’embouchure son passé ») ou de dissimulations amoureuses. Le poète s’exprime dans une économie de mots riches sémantiquement. Le  recours aux détails anatomiques pour nommer la double face d’un feuillage à jeter dans la rivière, recours  très imagé et original, voisine avec le tronc sinistre d’un arbre où un jeune élève amoureux de sa professeure s’est pendu. Les sensations tactiles trahissent autant le travail manuel, l’effort physique que la caresse et la jalousie – labeur – jalousie - sensualité : « La main a abandonné la lune hors de la chambre. Moi, je sens l’odeur du henné… ». De poème minimaliste, le texte mue en prose, en pointillés picturaux  à la manière de Seurat – et prend les dimensions d’une surface mosaïquée - en zellige – d’une toile de grand format destinée au dripping, saisissant des gestes et des tropismes, dans une scène d’intérieur feutrée dont ne saurait dire si elle est tout à fait intime, ou occupée par des gens, pleine de vide et de plein, de plénitude et de violence contenue.

L’olfaction filtre, avec un luxe de raffinement, dans le parcours de la caresse et la découverte du corps : le tatouage qui procure l’ivresse des sens est souvent magnifiée par une gamme de parfums originaires de Fès – le domicile - et de la tradition. Le poète, on le voit, célèbre les attributs du corps à défaut de le représenter.

L’œuvre de Mohammed Bennis est parfaitement maîtrisée dans une limpidité de langue qui ne doit désormais plus rien à l’aisance de ses traducteur, avec sa part de mystère et ses moments foudroyants, aussi mérite-t-elle d’être découverte, lue et parcourue en toute confiance.



Romancier et journaliste, Hassan Najmi appartient aux aînés en tant que membre fondateur de la Maison de la poésie au Maroc, et ancien président de l'Union des écrivains de son pays. Il compte à son actif, plusieurs recueils de poésie et des essais sur la poésie et la culture orale arabes. Oeuvre : Les vents ocres (1993), Petite vie (1995), Les baigneuses (2009).
Un poème « Moi et mon ombre » apporte son éclairage sur le discours désespéré de l’auteur à propos de la condition humaine «  
un homme éteint par la nuit », souvent silencieux, rongé par la solitude des lieux – la chambre, le bar, le trottoir de la rue où couchent les plus démunis, les pauvres - tenté par le suicide au gaz. Le mot « ombre » est un synonyme d’homme pour exprimer un des paramètres tragiques de la vie. L’individu doute autant de sa consistance que de sa place d’habitant du monde. L’ombre est immatérielle – elle se repose d’elle-même et de la lumière – elle reste projection extérieure du poète à son tour en proie aux mots et à leur ricanement, elle est ce qui reste de plus fidèle après le « masque de chair ». Hassan Najmi préfère écrire court, par assertions percutantes, par anecdotes teintées d’amertume et de cynisme (ainsi, dans « la montre du martyr » il est dit que la montre s’est arrêtée, et non que l’homme a été assassiné et laissé dans la rue pour le seul mobile du vol de sa montre). La lecture de ses poèmes n’entraîne pas la même adhésion que celle de Mohammed Bennis.
 
            Meringue aux courbes craquantes ou ganache noire et de chocolat      
             blanc ? Bien entendu, les  grands poètes marocains célèbres en   
            France, au demeurant excellents pâtissiers, sont
Tahar ben Jelloun et
            
Abdellatif Laâbi. Est-il utile encore d’en rendre compte? Bien
             que possédant, en commun, l’avantage de composer directement en français, le
            premier est lié à Tanger, le second à Fès, leur trajectoire est                    
            radicalement divergente depuis la fin des années 60, sous le régime
             impériale – impéraliste - d’Hassan II.
            Le premier a entrepris après le prix Goncourt pour
La nuit sacrée – et      
            continuer de mener encore - une carrière parisienne très suivie dans
            les médias - France 5- Gallimard –  le Nouvel Observateur -, le
            second, plus discret, écrit – et applique les recettes - de romans publiés
            chez Gallimard parallèlement à sa poésie  - sa spécialité - rassemblée
            dans ses
Oeuvres complètes aux éditions de la Différence.
            La priorité dans une anthologie consiste, sinon à se caler le ventre de
            pâtisserie fine, biscuits et macarons - autant passer alors  tout de suite
            au dessert ! - du moins de se mettre en appétit par petites bouchées     
            avec des pièces sur le plan gustatif délicates, feuilletées et salées, des
            
mignardises ou des amuse-gueules sortis de l’emballage standard à  
            pleines poignées et sans manières, autant de miniatures susceptibles    
            de combler « un petit creux »  au ventre quand on a faim avant   
            passer à table proprement dit.

            
Jalal El Hakmaoui, originaire de Casablanca, enseignant et revuiste
            D’
Electron libre, traducteur de l’arabe. Œuvre : Allez un peu au
            cinéma  
(2005), Entre deux nuages (2006)
               «
Modernité
               Courir derrière le lièvre de la modernité
              C’est comme courir derrière un camion chargé de viande bovine
              Qu’un chien aveugle conduit à la forêt
»

             Le besoin de courir derrière la modernité est légitime parmi les  
             auteurs de la nouvelle génération, lecteurs de Ginsberg et de
             Raymond Carver, tendus vers une poésie narrative fonctionnant à
             haut débit, désorientés par des buzzwords publicitaires - la mode
             communicante, du « positionnement professionnel » - et  en bon
             cinéphiles pourvus d’une mémoire  de plans tournés en « nuit
             américaine » jamais prise en défaut -  un cadrage d’Orson Welles –
             un étalonnage reconnaissable  des couleurs de Ridley Scott. Une   
             poésie satirique centrée sur des personnages types, des réactions   
             criardes du monde actuel dans une satire aigre-douce. A ce titre est     
             révélateur le texte      
             «
Pour quelle raison le poète emmène-t-il sa femme au Mc Donald ? ». Désormais, citoyen embourgeoisé, propriétaire de sa voiture, caressant sa femme bien en chair – et qui rumine des arrière-pensées -, le poète savoure un hamburger dans l’ambiance avachie d’un « fastfood » à l’américaine. L’aisance matérielle  –machine à laver – réfrigérateur – coca cola – ont dégradé le discours laudatif et sentimental classique. Carnavalesques 2006 avait déjà publié deux poèmes de Jalal El  Hakmaoui, « le hamster de la vie » et « le nez d’Al Pacino ». où le poète se mettait à la place d’un metteur en scène imaginaire et d’un acteur de cinéma célèbre, par dérision, pour dire en contempteur de l’Occident, l’imminence d’une apocalypse dans le bien-être et la standardisation : « Je suis venu sur cette terre obscure… Pour regarder la télévision des pauvres/ Pour sacrifier un mouton virtuel/ A l’honneur de l’Homme nouveau : L’Homme nouveau regarde vers le Bas ». La poésie cesse dès lors de se recroqueviller dans ses afféteries de langage et, aussi déconcertant soit son « habillage » quotidien - jean – et téléphone mobile -, elle retourne d’instinct à sa vocation première, d’ébranler les certitudes prosaïques, de faire vibrer la conscience et la sensibilité du lecteur. La poésie conserve sa fonction critique, qui ne se borne pas à une image spéculaire et nombriliste de l’acte d’écrire. La mise en abyme se trouve ainsi remisée parmi les accessoires prosodiques dépourvus de pertinence et entassés dams la remise – l’atelier – de l’auteur. Un pan de la poétique traditionnel s’écroule et va s’accumuler au milieu des gravats de l’inspiration
            
Hicham Fahmi, né à Marrakech en 1971, auteur publié sur internet. A son initiative est ouvert le premier portail de poésie marocaine, il s’est expatrié au Canada. Œuvre : Chirurgie de l’écran (1997), Ma rivale au visage moucheté se fait la barbe (2005),
          Voici des considération copiées sur internet parmi les comptes-rendus accessibles et acheminés à « flux tendu » : « Le web ne remplace pas les modes de circulation jusque-là en vigueur, mais vient les compléter, tantôt en s’y superposant et, dans certaines circonstances, en les doublant (en les dupliquant et/ou en les dépassant, en les prenant de vitesse), tantôt en en relayant certaines séquences ou segments. »
La nostalgie espiègle  et crue dans l ‘adresse à la mère génitrice trouvée dans le poème « Echographie » de Hichan Fahmi montre que le web ne déshumanise pas la sensibilité, ne déverse pas nécessairement des sentiments frelatés, - du clinquant ! - des émois enfantins transis dams le prisme d’une inclusion en résine –. Le web est un mode d’expression comme un autre support, imprimé, ou performé au cours d’une soirée de poésie orale, donc accessible au public – La valeur de la communication est proportionnelle à l’affect de l’utilisateur et à ses propres dispositions et à ses modalités d’invention élocutoires. Disons-le. La rhétorique ancienne n’en devient pas caduque sous prétexte que nombre d’épanchements observés dans les mails – le courrier des lecteurs informatisés –, en lecture rapide, prêtent à sourire, tantôt en raison de leurs carences expressives, de leur grave ignorance de la langue – le langage texto - la graphie fébrile et approximative - les sous-entendus de ses codes érigés en cryptogrammes - tantôt de leur franche naïveté  ou agressive facilité à tomber dans la polémique au niveau du contenu – « C.Koa ton pb » -
La preuve en est que « Echographie » de Hicham Fahni une fois publié par
Bacchanales n°38 de la Maison de la poésie Rhône-Alpes tranche, par son tutoiement abrupt, l’évocation d’un milieu familial deshérité où « nous nous agglutinions autour de toi quand tu t’apprêtais à sortir… nous roulions nos yeux espiègles/ et vicieux / pour reluquer ton slip rouge ». La poésie et la gestuelle conative de l’élocution en sortent indemmes comme l’enfant apostrophant sa génitrice. Dans «  cubes de formol », « Départ pour la veille » et «  Algorithmes de l’invisible », le poète adopte une prose saccadée, haletante, laisse parler ses visions sans se censurer, à bride abattue au sortir de l’école– comme le Rimbaud d’Une saison en enfer
- une saison en enfer décryptée et faxée – une variété d’écriture automatique surréaliste  qu’il s’est réappropriée énergiquement avec audace, sans sombrer dans le plagiat français
: «
L’arbre est le cauchemar de la terre.
Et les architectes des bourgeons macèrent le printemps dans les algorithmes de l’invisible/ Le cauchemar de la terre apparaît sur les écrans de l’air
… »
 
    Rendre compte d’une anthologie ne prétend pas témoigner de la vitalité d’une production littéraire, encore moins rendre justice à de nouveaux talents, à une nouvelle génération d’auteurs qui échappent souvent aux critères de sélection - au « tri sélectif - du responsable de l’anthologie forcément partisan, et réducteur dans ses goûts en matière de poésie. Peut-etre,  de grands auteurs en herbe et de des « pousses «  prometteuses en ont-ils été écartés. Du reste, en parlant, dams le cours de cette note, de petits fours, nous sommes-nous référés à la gastronomie française et avons aussi passé sous silence, faute de compétences culinaire -, la pâtisserie orientale, en particulier marocaine - et le moment de la servir au cours d’un repas de fête.

 

 

Alain Gnemmi

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 23:50

                                                                                                                                                          
  

Ode au Saint-Laurent
Gatien Lapointe éditions Ecrits des Forges et Autres temps

Oeuvre encore moderne, sans signes de vieillesse, ce long poème de Gatien Lapointe,
Ode au Saint Laurent paru en première version en 1963, titre régulièrement donné en guise de référence bibliographique pour situer la poésie Québécoise.
Comme cinquante années auparavant on peut qualifier sa lecture aujourd’hui de volonté de remonter à la source d’une veine poétique et d’une fougue juvénile, d’une expansivité épique comparables, pour le Canada de langue française, à ce que représentaient, à ce que contiennent encore, de stimulant les versets de Walt Whitman dans
Leaves of Grass – en français Feuilles d’herbe - au milieu du XIX siècle pour les Etatsuniens. Gatien Lapointe compose – et signe - avec entrain et intuition l’hymne de son pays aux vastes étendues  dans une langue directe et un emportement communicatif devant les grandes distances, la réservoir vierge Québécois en énergies de toutes sortes - lacs, fleuves, ressources du sous-sol - en espèces végétales – vallées à perte de vue – forêts giboyeuses - et en fraternité.
Les attitudes énonciatives employées sont aussi variées que le paysage - panorama - mental qu’il brosse de manière très colorée à coups de pinceau généreux, alternant le mode verbal performatif – courant en anglais et résumé dans la formule ; « quand dire c’est faire « -, l’ambiguïté d’un je qui est indifféremment celui du poète et cet
ego du fleuve Saint-Laurent. Signalons aussi le geste de montrer (« ce paysage est sans mesure ») au début d’un passage descriptif, et le souci du référent qui consiste à baptiser et introduire aux rites du clan dans une liturgie personnelle, Mais Gatien Lapointe, entrainé à lancer des sondes par introspection, comme d’autres lancent l’hameçon dans la rivière, s’interroge souvent sur son tempérament jovial, sur ce qui l’obscurcit passagèrement, autant qu’il recours à l’interrogation rhétorique et à l’exclamative. L’adhésion très forte ressentie à la respiration de son pays correspond au fait de s’assumer dans son corps qu’il sent battre – hors des sentiers battus -. Son hyperactivité est un reflet de l’appétit d’un corps jeune et sensuel qui veut s’ouvrir, littéralement s’affirmer et - tout en muscles et en nerfs - se dépenser. Découvrir son compatriote en prenant les devants, parler en son nom, en tant que porte-parole, interprète de ses fiertés caractéristiques – et prophète, comme le poète de Baudelaire, prophète du bohémien et du mage -  comportement rien moins qu’humble, équivaut à accepter son ascendance, sa terre de naissance, son identité domiciliaire. Gatien Lapointe laisse en héritage culturel une œuvre d’amour et d’affection domaniale, un discours sédentaire reçu et transmis par quelqu’un de toujours très curieux, dynamique, en éveil d’étonnement, une « éternel adolescent » ne se plaignant pas d’ankyloses. Sa poignée de main est franche. Corollairement, sa langue d’homme qui naît ignore les temps morts, la fange où on s’englue et où on se noie, modifie son rythme et frappe à la porte de la sensibilité universelle : «  Je vois dans une phrase l’espace de l’homme « L’œuvre est lisible de la part d’un lecteur francophone curieux des particularités locales de sa langue, des contextes  géographiques et des histoires engendrées dans le sang par ingérences étrangères – ou contentieux tribaux - aux cinq coins de l’horizon avant, pendant l’indépendance et depuis la « mondialisation », langue de la poésie contemporaine, des transformations linguistiques et des bonheurs d’expression métissées qu’elle offre un peu partout.
On parle à juste raison d’espaces francophones et de langue
partagée en copropriété.
Sans digresser, disons que les Québécois  avec lesquels on converse aujourd’hui évoquent Gatien Lapointe avec un enchantement jamais feint, ils vous adressent un clin d’œil amusé un peu comme  les Etatsuniens acquiescent à
l’Attrape-cœur de Salinger –quel personnage attendrissant, Caufield ! - et comme les Africains sourient au nom de Wangrin  
Si mentionner  Walt Whitman, c’est déjà insister sur la beat génération qu’il présage avec en surimpression le torse nu de Ginsberg, rendre compte de Gastien Lapointe c’est avouer le plaisir généralement satisfait que procurent soit Gaston Miron, de
l’homme rapaillé, soit Roland Giguère, soit Paul-Marie Lapointe, l’homonyme encore bien vivant de Gatien. Soit, bien entendu, Hélène Dorion : autant de maîtres contemporains de la poésie Québécoise.
L’Ode au fleuve est donnée pour «  un chantier à ras de sillons », elle suit l’ordre d’un journal, une progression accidentée, la pose de rivets, l’asphaltage de lignes droites et le sprint  avant la ligne d’arrivée avec ses petits redressements de tête,  avec ses haussements volontaires du menton, ses –fausses - prières…  virils. Un peu comme dans tous les cahiers de « retour au pays  natal », depuis Césaire jusqu’à André Rober et  Khal Torabully. Le geste créatif s’accompagne d’une remontée des enfers et se veut une recréation de l’univers, un début de l’histoire de libération sauf que le poète Gatien Lapointe revendique son appartenance à un «  ici » qu’il n’a jamais quitté, se contentant seulement de naître dans la démesure des distances et des Eléments
«
J’entraîne au jour tout ce qui est nocturne / J’ajuste l’arc-en ciel sur la cuisse des mers.
 
Et le soleil se mit en marche dans mon coeur… Je dis l’homme arrivant sur terre… »
«  
Tout ce que j’ai appris me vient d’ici ».

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 23:33

      cliquez sur la couverture

 

                                                               

Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (éd. Denoël  2011).
 
                                          
 
Le monde selon Khadi Hane

«
Mes enfants… fils du peuple, ils s’enivreront sur les murailles de Bandiagara, là où Amadou Hampaté Bâ a laissé son empreinte. »
 
 
 
La narratrice est Khadija, évoluant dans le quartier  cosmopolite de Château-Rouge à Paris. Elle doit lutter bec et ongles pour nourrir ses quatre enfants. Le père de l’un d’eux est un blanc (Pierre Lenoir), un blanc, comme les autres…  volage et intéressé. Ce  qui expose l’héroïne  aux foudres de ses compatriotes, hommes, femmes,  autant de ceux vivant en France que  de ceux restés au Mali (traditionalistes et profiteurs).  La rumeur a vite fait de se propager à ses dépens.
 
Le lecteur se pose très vite la  question : Truculente et femme émancipée, Khadija parviendra-t-elle  à sortir de son impasse existentielle, dans un milieu où les valeurs humaines sont si peu respectées ?
Documentaire sur les tensions autour de la butte de Montmartre entre faux prophètes, commerçants, assistante sociale et plèbe de la Sonacotra.
 
 Louis Philippe Dalembert  poète et romancier avait traité le sujet dans Rue du faubourg St-Denis  (éditions Du rocher 2005), il avait choisi le regard d’un enfant. Mais le talent de Khadi Hane est bien différent de celui du plus parisien des Haïtiens d’Europe.
 La romancière a du mordant, répond aux injustices avec une verve, une ironie sournoise qui s’exerce sur tous (y compris sur son amant épisodique : « J’étais bien placée avec mes quatre autres gosses pour savoir qu’un homme dans ma vie  ne serait qu’un touriste sur une île, renonçant à s’y fixer à cause du mal de mer »).
 
Khadi Hane est économe de ses images et préfère la nostalgie du pays natal, l’observation juste, le rendu un peu vache de la saleté humaine : « Au milieu des couleurs, un point unique scintillait, une étoile oubliée. Sa lumière n’atteignait pas la terre. Je la contemplai toute la nuit, me demandant si là-haut était caché quelque chose ou quelqu’un pour s’amuser à mes dépens. »
Le passage rappelle les dernières pages du roman d’Honoré de Balzac, Le père Goriot,
Et à des nuances près, celui d’Albert Camus, La peste, où Tarrou et Rieu conversent sur une terrasse d’Oran, au moment où les habitants de la ville célèbrent la victoire sur l’épidémie.  Le ton, ici, est autrement plus pessimiste.  
 
Malick Fall et Sembene Ousmane sont les clés dans le trousseau de Khadi Hane.
 
Comme le disait excellemment Jacques Chevrier dans son Anthologie africaine (Hatier 1981), le souci des écrivains est de « créer un langage qui serait à la fois délivré du carcan des modèles occidentaux et plus proche du langage de l’oralité traditionnelle ».
 
 
 
 
Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (éd. Denoël  2011).

Partager cet article
Repost0