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24 novembre 2011 4 24 /11 /novembre /2011 12:12

   A propos de Louise Michel
 
L’anniversaire de la mort de Frantz Fanon  (1961) est aussi l’occasion de découvrir aux éditions D’Ores et déjà un discours de Louise Michel, qui rencontra Victor Hugo en 1821, avant d’être déportée en Nouvelle-Calédonie à quarante-trois ans. On note la sortie sur les écrans – dans les salles de l’Union des Grands Capitalistes UGC -  du film L’ordre et la morale de Mathieu Kassowitz, à propos des révoltés, preneurs d’otages de la grotte d’Ouvéa qui se débrouillèrent seuls (14 morts après quatre assassinats de gendarmes) sans la participation de Jean-Marie Djibaou au cours de cette crise / un « assaut programmé avec la connivence de son médiateur » /  – le leaqder du FLK est seulement nommé dans le générique de fin -.
 
Prise de possession
   Louise Michel, éditions d’Ores et Déjà.
 
   Louise Michel avait un talent d’orateur et de poète, propre à convaincre - et à soulever littéralement de terre -, tous les gueux : misérables, prolétaires,  paysans, ceux que Michelet appelait le  peuple déshérité du monde. Ceux qu’elle mobilise et rejoint en tant que porte parole par un " nous" unanimiste  :
 
   «  Nous savons notre but : c’est la délivrance de tous, nous le voulons et nous l’oserons… » .
 
   Ce n’est pas un hasard si les  qualificatifs christiques fleurissent pour parler de « la Vierge rouge » Louise Michel qui est, au siècle de la révolution industrielle – si peu romantique -,  une des seules femmes à porter avec George Sand le costume masculin.
 
   Elle représente les convictions politiques modernes, les idéaux des utopistes socialistes de la Commune de 1870, Avec son chant, les exclus, les dépossédés se révoltent - doivent encore  aujourd’hui se révolter – dépaver les rues, dresser des barricades – pourquoi pas dans la rue St Jean ou au Point Central ? -.
 


 «  Le pouvoir est mort, s’étant, comme les scorpions, tué lui-même ; le capital est une fiction, puisque sans le travail il ne peut exister. »
 
 
 
   Louise Michel se moquait des lois bourgeoises qu’elle eut à subir, elle fut plusieurs fois arrêtée avant sa relégation en Kanaky où elle resta seule à soutenir une insurrection indigène – son chef Ataï -, puis à nouveau surveillée par la police de l’empire et de la république pendant les trente dernières années de sa vie : 
 
   « Peut-on encore parler du suffrage universel sans rire ? Tous sont obligés de reconnaître que c’est une mauvaise arme ; que, du reste, le pouvoir en tient le manche… »
 
    La conférence – très écrite – qu’elle donne en mars 1882 à Paris constitue un document inédit qui révèle Louise Michel, institutrice des enfants de déportés en Mélanésie. Anarchiste dans la moelle, et bourrée de talent, elle annonce les temps prochains, la « catastrophe » / terme dramaturgique / de la condition humaine –  pas une ruée vers Laure -  où les biens cesseront  d’appartenir à ceux qui  en profitent à l’abri d’un gouvernement, et où les patrons aussi se libéreront – d’eux-mêmes -.. Ces crasses !  Elle entend réconcilier l’humanité dans un monde précaire, en premier lieu, les hommes avec leur liberté et leurs droits.
 
   Le procès social doit se régler avant notre disparition dans le cosmos ; il faut faire un mauvais sort à l’argent, il faut, comme le dirait  aujourd’hui le curé Meslier pendre « les nobles – les nouveaux aristocrates – avec les tripes du clergé, des évêques et du pape ».
 
   Louise Michel vaut la peine d’être découverte, car elle "détruit" la notion du travail aliénant.  Elle se méfie des hommes politiques de droite comme de gauche, ne croyant pas que l’arrivée de socialistes ( !) au pouvoir – à la présidentielle – résoudra miraculeusement  les problèmes économiques du pays, de la nation gauloise,  de l’Europe, des Etats corrompus en Afrique, au Pakistan, en Cisjordanie…. Elle donne comme exemple des leaders représentatifs qui ont répondu à la misère des peuples, Abraham Lincoln, Vercingétorix,  ou d’autres moins célèbres – Sophie Grant condamnée à la prison, , le pirate Doï-van  condamné à mort au Tonkin -  , mais seulement parce qu’il faut donner des exemples historiques pour cautionner son discours…… En comparaison, le manifeste Syris 10/18 contre le travail et l’Europe économique paraît un pastiche des appels au meurtre prolétariens.



   «Le communisme commence à se dessiner, personne ne possède en propre le soleil qui l’éclaire, l’océan qu’il parcourt… »
 
 
   Embrassant l’univers dans un panorama de l’Histoire et des civilisations qui ont incubé toutes les révolutions, Louise Michel cite fréquemment le poète américain Whitman, se montre géniale dans son sens de la formule (« Notre république a des rois par milliers…   Ce qui pourrait s’appeler « respublica » ce serait la chose de tous, l’humanité libre sur le monde libre »)

 
   Féministe cultivée, elle en aurait appris, elle en aurait à enseigner aujourd’hui encore, à tous les incultes de la Toile qui rédigent leur blog abondamment illustré, paresseusement illustré.
 
   Elle aurait encore à couvrir des salons d’excréments, les miroirs à dorures, elle pourrait ripoliner d’excréments la façade des ministères nationaux sans susciter la moindre indignation de la part de l’intelligentsia parisienne, qui se complaît dans son autosuffisance, qui se gargarise de mots, qui sniffe des rails de coke sur un guéridon. Tant elle est veule. Les vedettes BHL et autres sont outrecuidants et bien capables de plier les œuvres complètes de Louise Michel pour en faire des cocottes en papier. Sans oublier les "spécialistes" du CNRS,  de Sade et autres Unités d’enseignement – ou de valeurs -  qui se gargarisent avec bonne conscience, et se regardent devant la glace…  sans rire.
 

   Louise Michel accumulait les savoirs au service de l’action : thésaurus vivant, curieuse des plantes endémiques en Mélanésie, des mœurs  - et des enfants  surtout  - qu’elle éduquait le dimanche. En matière d’instruction, personne ne pouvait lui donner de conseils. Elle se « gérait », autodidacte, indépendante.
.
 

  
   Il faut trois rédacteurs Robert Kurz, Ernst Lohoff et Norbert Trenkle pour poursuivre, quatrième de couverture  « l’économie d’une critique radicale de l’idéologie du travail …- que de compléments de noms ! -  Autrement dit, il ne s’agit pas de libérer le travail, mais de se libérer du travail. »
 
   
  
    La conférence de Louise Michel prononcée en 1883 est un modèle de rhétorique révolutionnaire, un bâton de dynamite – et non un bâton d’encens qui se consume pour remplacer un désodorisant, repérable par un détecteur de fumée – ou un ersatz – qu’on trouverait dans une supérette. Les images métrées qu’elle ajuste parlent – dans notre « chambre intérieure » -, elles sont de portée universelle. C’est un matelas miné, un parquet dissimulant des mines anti personnelles. Les lycéens devraient découvrir à leur tour ce texte, reconnaître les décasyllabes, la mitaine de la versificatrice, le col roulé de Victor Hugo.
 
   Malheureusement peu d’enseignants connaissent Louise Michel, ils préfèrent lire le groupe Krisis ! Leurs sous-vêtements sont des Damard.
 

« Ses vêtements ôtés laissent à découvert les blessures qu’il a reçues dans la lutte contre les occupants de son pays, il lui faut subir le frottement sur son cou de la main du bourreau et les trois coups de gong qui prolongent son agonie »…
 
    
       
écrit Louise Michel à propos de Doï-Van, leader révolutionnaire au Tonkin. La veine de Louis Michel complètement inspirée est épique, elle n’a rien de ce qu’on aurait pu craindre, tous les défauts de la fée Carabosse, le sentimentalisme, le scoutisme,  le manuel de survie du libertaire dans la société de consommation.
 
    Louise Michel, c’est quand même autre chose que, moins stylés, moins polis, le manifeste Krisis et ce genre de phrase : 
 
 

    «Ne courbons plus l’échine sous le joug des marchés de l’emploi et de la gestion démocratique de la crise ! La condition en est que de nouvelles formes d’organisations sociales (associations libres, conseils) contrôlent les conditions de la reproduction à l’échelle de toute la société. »

 
    A ceux qui sont tentés par l’adultère avec les socialistes et qui lisent les romans de Douglas Kennedy, je ne résiste pas à l’envie de recopier les dernières phrases de Louise Michel. La préface de Prise de possession ne précise pas quelles furent les réactions de l’auditoire de Louise Michel en 1883.
 
   Signa-t-elle des autographes ? Parmi son public, y avait-il quelqu’un pour l’enregistrer sur un Nagra de l’époque ? La Nouvelle-Calédonie en 2014 devra choisir son destin…
 
   « Personne au monde ne peut rien pour dénouer la situations présente.
   Les urnes ont assez vomi de misères et de hontes.
   Au vent les urnes, place à la Sociale !
   Le monde à l’humanité !
   
    Le progrès sans fin et sans bornes !
   L’égalité, l’harmonie universelle pour les hommes comme pour tout ce qui existe !
»
 
  Esprit libre, Louise Michel avait donc fait ainsi l’apprentissage de la liberté.
 
 
Christian Samson

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