Gaston Bellemare et Maryse Baribeau.
LE FESTIVAL
INTERNATIONAL
DE LA POÉSIE
Une affaire de coeur
par Julie Stanton
Journaliste indépendante amoureuse de mon métier, poète pour garder la
flamme, j’ai eu le privilège de participer au Festival international de la poésie à
plusieurs reprises. Je garde précieusement en mémoire la lecture que j’ai faite
devant les convives du petit resto Le Bucafin géré par une entreprise d’économie
sociale dont l’une des missions est d’offrir des cours d’alphabétisation.
J’ai été extrêmement touchée d’entendre des gens dire leur premier poème
en public, et aussi d’apprendre qu’ils avaient été eux-mêmes si émus de se
trouver en présence de poètes reconnus. Lorsque, dans la solitude de l’acte
créateur, je me demande pourquoi j’écris de la poésie, le souvenir de ces
rencontres intenses nourrit ma quête...
« À cela s’ajoutent le jeudi nos petits
poètes itinérants, ces jeunes du primaire
qui, revêtus de leur t-shirt affichant
Poètes au travail, lisent leur propre
création un peu partout dans les
endroits publics, ainsi que les ateliers
d’écriture, les nombreuses expositions
présentées dans les galeries d’art et les
bibliothèques, sans oublier les très fréquentés
dîners, soupers, apéros poésie,
les jazz vin poésie ou les scotch poésie
et, pour la finale, la Grande soirée de
poésie Québecor. Il y en a pour tous les
goûts et toutes les bourses », s’enthousiasme
Maryse Baribeau, complice de
Gaston Bellemare depuis la première
présentation du Festival. L’invité
d’honneur, notre Félix Leclerc national,
avait alors déclaré Trois-Rivières «
Capitale de Poésie ». L’appellation a
suscité l’adhésion de tous ceux qui, au
fil des ans et du rayonnement de cette
fête unique, se sont laissé happer par
l’atmosphère amicale, chaleureuse,
fertile en émotions, nourrie de rencontres
et de découvertes donnant lieu
à de touchantes confidences. « Je
n’oublierai jamais, raconte Maryse,
cette dame qu’un ami avait amenée au
Festival et dont le fils schizophrène
s’était suicidé. Au bord des larmes, elle
m’a avoué n’avoir jamais compris le
sens des lettres qu’il lui écrivait. Mais
en écoutant les poètes, elle avait réalisé
qu’elle y serait peut-être parvenue si
elle s’était simplement laissée aller à
l’émotion. C’est ça, la poésie. La lire est
une chose. L’entendre en est une autre.
Bien sûr, à tant la fréquenter, Gaston et
moi en connaissons l’importance et la
richesse. Mais lorsque les gens viennent
nous dire que, grâce au Festival,
elle les rejoint davantage à travers leur
quotidien, leur entourage et leur environnement,
ou encore que d’autres
racontent venir y chercher du bonheur
durable pour le reste de l’année...
wow ! »
Des femmes atteintes de cancer, qui
suivaient des traitements de chimiothérapie
à Trois-Rivières, ont demandé
qu’on fixe leurs rendez-vous en fonction
du Festival pour qu’elles puissent
aller s’y réchauffer le coeur. Un travailleur
de la construction, qui avait
accompagné sa femme à l’événement
en se traînant un peu les pieds, a été littéralement
envoûté; programme en
main, le couple a changé de resto chaque
jour pour écouter les poètes qui récitent
aux heures des repas. Deux jeunes
inconnus, elle de Montréal et lui de
Québec, sont tombés amoureux sur les
lieux et y reviennent chaque année en
souvenir de ce moment. Un visiteur
d’une soixantaine d’années, originaire
du Saguenay, a demandé à Gaston
Bellemare d’écrire le poème d’amour
qu’il avait promis à sa douce au début
de leur mariage et qu’il n’était jamais
arrivé à mettre en forme. « On est tellement
fiers de ça ! » s’émeut Maryse.
Puis elle ajoute que certaines personnes
retraitées lui ont raconté avoir déménagé
à Trois-Rivières après avoir conclu
qu’une ville qui offrait un tel événement
ne pouvait être qu’une ville à
visage humain. Et de louer l’emballement
des seniors qui semblent trouver
un véritable plaisir à participer au
Concours et Prix national pour les
aînés. Dans leurs poèmes, ils abordent
l’amour vécu, perdu, les rêves non
encore réalisés, la solitude, parfois l’érotisme,
ou encore ils expriment qui ils
étaient dans leur jeunesse et les facettes
d’eux-mêmes que leurs enfants ne
connaissent pas.
Placé à l’enseigne du vers du regretté
poète Yves Boisvert, disparu cette
année, Aimez-moi j’arrive à vous / afin
de ne pas être étranger, l’événement
propose, dans plus de 70 lieux différents
de Trois-Rivières, au-delà de 300
activités auxquelles participent une
centaine de poètes en provenance
d’une trentaine de pays issus des cinq
continents. « Cela nous aura pris presque
cinq ans avant de nous ouvrir à l’international,
explique Gaston Bellemare. À
un certain moment, les gens nous ont
fait part de leur désir d’entendre des
poètes d’ailleurs s’exprimer dans leur langue d’origine, une
fois qu’un traducteur aurait livré une première lecture de
leur texte en français. Nous avons compris que nous n’étions
pas obligés d’inviter le meilleur poète du Venezuela qui parlait
français, mais le meilleur poète du Venezuela ! Ces poètes
venus de loin sont tellement séduits par notre Festival que
certains nous ont demandé à la blague de leur accorder
l’asile poétique ! Le Festival international de la poésie a fait
des petits partout dans le monde, en plus d’être couronné
de nombreux prix. »
Pour son président, qui est cofondateur de la maison
d’édition Les Écrits des Forges et lui-même bardé de reconnaissances
avec un CV long comme le bras, le gain fondamental
de l’événement par rapport à d’autres organisations
du genre, c’est d’avoir trouvé la zone de confort entre le
public, les poèmes et les poètes. Ainsi, au cours de leurs prestations
dans les nombreux restaurants, cafés et bars qui les
accueillent, les poètes ont droit à trois minutes de temps de
micro, pas plus. « De cette façon, si quelqu’un dans l’audience
est peu sensible à tel type de poésie, il sait que son inconfort
ne durera pas longtemps ! Moi, j’ai toujours dit aux poètes :
“ Parlez profondément au lieu de parler longtemps. Le public
écoutera d’autant mieux qu’il aura du temps pour digérer. ” »
Lors de la première édition du Festival, raconte M. Bellemarre,
les journalistes avaient prédit des débuts difficiles et à peine
300 visiteurs, ce qui, à leur avis, aurait déjà constitué un petit
succès d’estime. « Il y en a eu 5 000 ! »
« À l’aube de ses 30 ans, le Festival international de la poésie
est parmi les plus vieux du genre au monde, indique
Maryse Baribeau. En plus, il est le seul à présenter des lectures
dans les restaurants, les bars, les galeries d’art et un peu partout,
là où les gens vivent. Pour moi, travailler à son bon
fonctionnement et à son rayonnement est devenu une façon
de vivre, de me brancher sur l’essentiel. C’est comme si, au
cours des ans, j’avais ajouté ma pierre à l’édification d’une
église. » Pour conclure, Maryse ne peut s’empêcher d’évoquer
de nouveau l’importance accordée par les organisateurs
au public de tout âge. Et elle ajoute que le Festival peut offrir
à chacun un programme d’activités clés en main pour une
journée ou davantage. Qu’on se le dise !
Pour en savoir plus sur le
Festival et sur le parcours
de ceux qui en sont l’âme :
http://www.fiptr.com
http://www.fiptr.com/poesie_plus.html
Infos : 819 379-9813 mbaribeau@fiptr.com BA